Coeur de fer et lame d'acier

 ?

.

________________________________________________

.

.

Cœur de fer et lame d’acier

.

.

Tu refusais de me faire un enfant. « Sois lucide, t'exclamais-tu quand je t'en parlais, regarde le monde ! Veux-tu réellement que mon fils grandisse dans cette merde ! » Tout était la faute des autres. Pourtant, ce ne sont pas les autres qui ont transpercé ma poitrine de la lame glacée de ton couteau.

.

Tu vois, je t'ai lu. J'ai reçu tes messages. Quoi de plus simple pour le fantôme que je suis que de décrypter les ondes qui partout s'échappent de vos machines ? Tes lettres électroniques ont redonné vie à ma mémoire. Je me souviens de la gare. Je ne m'attendais pas à ce que tu surgisses. J'ai voulu fuir, puis je t'ai ordonné de partir, de me laisser seule. Autant parler au dur cœur de fer de la terre. Tu pleurais en crispant les mains, plus par rage que par détresse. « Viens ! m'as-tu dit, je dois te parler. Après, tu feras ce que tu voudras. Tu partiras si c'est ce que tu désires. Je ne m'y opposerais pas. » Je t'ai suivi jusqu'à la voiture. « Monte, il fait froid. » Tu as parlé, tu as parlé, m'enivrant de mots faux, de phrases creuses. Je les connaissais tous, tes petits trucs. Ils n'avaient plus de prise sur moi. Je ne t'entendais plus.

Neuf heures a sonné à ma montre. Dans cinq minutes, je serais dans le train. Ma main s'est posée sur la portière, mais « Non, m'as-tu dit, tu restes avec moi ! » Je n'ai rien senti sur le coup, juste une petite piqure entre deux côtes. Puis, plus rien. Si, la brulure de tes yeux dans les miens.

.

À présent, je suis dans une prison végétale où je vais à mon gré. C'est ce grand chêne au pied duquel nous nous donnions rendez-vous lorsqu’Amour avait encore un sens. Parfois, de sa cime je t'aperçois venant vers lui, grimpant la colline d'un pas moins alerte qu'autrefois. Aussitôt, je me réfugie au milieu des racines. Je me sais invisible, mais je ne peux empêcher l'inquiétude que tu m'inspires d'agir sur moi. D'entre les herbes, je t'observe. Tu pleures. Non sur ton crime, mais sur ton malheur, ta solitude. Je le sais, car pour moi tu es devenu transparent maintenant, comme tous les autres vivants.

.

J'ai appris à dompter les ondes, tu sais. C'est très facile. C'est ainsi que je lis chaque jour tes pauvres plaintes de petit bonhomme meurtri. J'ai tout mon temps à présent. Si tu savais toutes les choses que j'ai pu apprendre de cette façon. Je pourrais te les dire, elles pourraient te servir.

.

De temps à autre, je t'envoie un petit message d'outre-tombe, mais tu ne l'ouvres jamais. Pas par peur des virus électroniques, non, mais parce que tu n'en as pas envie. Car toi, tu écris, tu écris, mais jamais tu ne lis.

.

.

FIN

.

Page 3

.